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Le nez de sincérité

Prologue

Octobre 2019, 11 h.

Comme chaque mardi en fin de matinée, Romain se déplaçait sur le tapis roulant au centre sportif en face de chez lui. C’est son médecin qui le lui avait prescrit.

  • Maintenant, tout est presque rentré dans l’ordre du point de vue mécanique, vous devez faire travailler tout ça avec des efforts appropriés pour renforcer les muscles et la tête.

Dans un premier temps, cette injonction l’avait froissé, elle constituait une rééducation de plus comme il en avait tant supporté depuis son agression sous le regard apitoyé ou dégouté des autres.

 Les premières séances l’éprouvèrent, à plusieurs reprises il avait craqué, se jurant qu’il ne remettrait plus les pieds dans cette salle. Chaque fois, Marion l’avait ramené sans complaisance ni brusquerie à l’essentiel, aux véritables enjeux pour lui.

 Le tapis qu’il déroulait refoulait les sensations obscures de cette violente attaque pour laisser place aux souvenirs puis aux questions, beaucoup de questions. Il avait fermé une porte, celle de Laura, alors que la bienveillance de Marion lui avait permis de surmonter ses instants de détresse. Une détresse de solitude, quand chacun vaquait à ses occupations et lui, incapable, laissait défiler un temps vide et attendait des jours meilleurs.

Toutes les amertumes, les rancœurs versées sur son existence bouleversée s’estompaient. Sous le regard tolérant de Marion, il s’était accommodé d’être différent, différent d’avant, différent des autres, différent pour les autres.

Il parvenait à intérioriser le fardeau de son corps dans son cœur pour le transformer puis le libérer comme une force.

Depuis deux ans, il fréquentait cette salle, plus il montait en vitesse sur son tapis, plus il montait en puissance dans sa vie. Ses efforts avaient converti son abattement et sa peur en volonté, puis en rage pour vaincre et maintenant en soif d’explication et de revanche.

La vengeance avait pris forme le mois précédent, alors qu’il était venu écouter l’intervention de Marion, durant une conférence sur les violences. Au fond de l’amphithéâtre, Romain essayait de se frayer une voie pour atteindre un fauteuil inoccupé en milieu de rangée. Il dérangea ainsi tout un alignement de personnes pour accéder au siège convoité. En fin de parcours, le dernier de la ligne s’appuya sur l’accoudoir pour se lever et découvrir un magnifique tatouage sur son avant-bras droit. Le compte tours du cœur de Romain se fixa dans le rouge, chacune des pulsations martelait son crâne et résonnait comme sur une grosse caisse. Dans un réflexe, il s’accrocha à l’homme comme pour éviter une chute et dénuda à nouveau son membre supérieur, puis il se ressaisit tout en s’excusant et s’installa à sa place.

  • C’est incroyable, le voilà, ici, assis à côté de moi, au milieu de flics pour parler de violences, le trident à l’intérieur d’une main fermée, la marque de mon agresseur. Je l’ai retrouvé.

Romain s’était alors appliqué à camoufler tout signe extérieur de troubles, inutile d’attirer l’attention ou la méfiance du tatoué. Il respirait lentement afin de calmer le remue-ménage intérieur. La fourche, la fureur de la voix qui hurlait et le poing au bout de l’avant-bras qui l’avait profondément battu, tout défilait dans sa tête. Et maintenant, à ses côtés se tenait l’individu à qui ils appartenaient, son agresseur.

  Le choc brutal avait réveillé mille maux que Romain avait foulés jusqu’à épuisement sur son tapis roulant. Plus tard, il s’était tourné vers Marion qui lui avait fourni la liste des participants, puis ce fut un jeu d’enfant de retrouver l’identité du trident.

Aujourd’hui, il avait programmé la suite, sa raison d’être, une joie comme jamais depuis longtemps et il savourait un plat refroidi.

La revanche sur sa vie disloquée était sérieusement engagée, restait à la mener à terme, sans faute susceptible de la compromettre. Après il verrait…

Deux années sont passées.

Romain, les mains dans les poches, les yeux dans le vide et l’esprit dans les nuages, traversait le Rhône sur le pont Lafayette sur le Rhône, en direction des Halles Bocuse.

Un grand sourire illuminait son visage. Sur une chaine d’information friande de malsain, il avait croisé le regard malade de Rivesaltes, un zombie. Il ressentait la plénitude de la situation. Lui-même, bien après son agression, alors que les coups de Rivesaltes percutaient encore son corps et son mental, avait cru succomber à la folie, une destruction qu’il pensait fatale. Depuis, le choc de la photo du “glossectomisé” avait emporté toutes les séquelles physiques et psychologiques de son traumatisme. Plus il repassait l’image du zombie dans sa tête, plus il en éprouvait les bienfaits.

Une joie irrésistible l’avait envahi. Le handicapé, le secoué, celui qui ne s’en remettrait pas, ce n’était plus lui, c’était son assaillant, Rivesaltes. Les coups de poing qui l’avaient battu, les bottes qui l’avaient piétiné, n’avaient plus aucune résonance émotionnelle. Rien ne le ramenait plus aux peurs et aux colères de cette attaque, tout à la satisfaction de la souffrance d’un persécuteur condamné au silence.

Cette victoire ne lui appartenait pas. Sans le soutien exigeant de Marion, il n’aurait pas trouvé la ressource pour survivre. Sans la punition infligée à Rivesaltes par celle qui se faisait appeler Némésis, il ne se serait pas à ce point détaché de son passé et stimulé pour son avenir.  

Depuis plusieurs semaines il hésitait, impressionné par le mystère qui l’entourait encore, il s’était promis de la rechercher pour la rencontrer et la remercier. Maintenant plus rien ne le retenait. Il disposait d’une piste, laissée par sa grand-mère Mathilde.

Romain et Nina.

L’homme s’arrêta au bout de la rue de la Gaîté et gara son triporteur avec une roue dans le caniveau, les deux autres sur le trottoir, à proximité d’une bitte d’amarrage. Toutes les maisons, tous les logements semblaient abandonnés, mais qu’importe, l’important se trouvait ailleurs.

  • Le nettoyeur, nettoyeur.

Il descendit de son engin, enroula sa chaine autour de la ferraille insolite, mit ses mains en cornière et réitéra son annonce.

  • Le nettoyeur, nettoyeur.

En l’absence de réaction, il considéra que son offre n’intéressait personne, il s’apprêtait à remonter sur son destrier, lorsqu’une voix en provenance de l’obscurité du fond l’interpela.

  • Et vous nettoyez quoi ? Et combien ça coute ?
  • J’enlève tout ce qui encombre, j’élimine tout ce qui nuit et c’est gratuit.
  • Vous chargez tout sur votre vélo ? C’est un peu juste !
  • Ce n’est pas un vélo, c’est un triporteur avec un grand coffre capitonné devant, je peux atteler une remorque derrière si ça ne suffit pas.
  • J’ai compris.

Une ombre se détacha de l’entrée d’un immeuble décrépi sur lequel une plaque précisait “eau et gaz à tous les étages”.

La silhouette se rapprocha, l’homme, à cet instant, en discerna mieux les contours. En premier lieu, apparut une chevelure orange vif, dressée très court sur le dessus du crâne qui se prolongeait mi — longue sur les clavicules. Puis, se présenta un visage enfantin d’une soixantaine d’années, maquillé outrageusement avec soin dans les mêmes tons que la coiffure. Sur les épaules de l’inconnue, un grand châle noir lui couvrait le corps. Il laissait paraitre un pantalon pattes d’éléphant, aux couleurs indéfinissables.

  • Bonjour, moi, c’est Nina, on peut peut-être s’entendre, quelques bricoles m’embarrassent.
  • Je ne débarrasse pas, je nettoie, sinon je m’appellerais le débarrasseur.
  •  
  • Je recycle ce qui mérite d’être recyclé et je détruis ce qui mérite d’être détruit. C’est plus complet, c’est mieux.
  • Je comprends, on peut peut-être s’entendre.
  • Peut-être, mais à une condition.
  • Oui !
  • J’ai besoin d’un renseignement.
  • Et ?
  • Je cherche Némésis.
  • Pourquoi ?
  • Je veux la rencontrer, je veux la remercier pour le bien qu’elle m’a rendu, je veux lui raconter ma vie.
  • Ça fait beaucoup !
  • Oui, je m’appelle Romain, dit le recycleur. C’est ma grand-mère qui m’a conseillé de venir ici, c’est elle qui m’a livré cette piste. Elle connaissait la déesse et l’admirait.
  • Mais, donne-moi son nom.
  •  
  • Ah ! Mathilde !
  • Oui, c’est elle qui m’a parlé de toi, elle t’apprécie.
  • Elle souhaitait s’entretenir avec Némésis.
  • Tout comme moi !
  •  
  • Bon, on fait quoi ?
  • Tu vides ma cave et je t’aide dans tes recherches. Mais tu dois m’en dire plus.
  • Comme tu veux.
  • Je ne garantis pas qu’elle accepte de te voir.

J’ai commencé à me recycler.

Les deux comparses s’étaient dirigés vers l’immeuble en fond de rue, “le Zarah”, l’auberge espagnole de Nina, où l’on buvait, mangeait pendant qu’elle chroniquait l’actualité.

L’établissement était fermé depuis plusieurs jours, Nina revenait de Boudumonde, un village perdu en Fin de terre.

  • Ici, c’est le repaire de Nina Haguen !
  • Tu connais ?
  • Un peu, ce n’est pas ma génération, mais quand je trainais mon invalidité, j’étais boulimique de musique et de lecture. Une chanteuse de hard rock et d’opéra ça ne passe pas inaperçu.
  • Invalidité ?
  • Dans ma première vie. Et toi, tu la connais ?
  • Non, je l’aime, ça me suffit, elle est déjantée comme moi, on se comprend. Tiens, écoute sa version de Spirit in the sky.

Nina manipula deux boutons ce qui déclencha une avalanche de sonorités cacophoniques avant que les cuivres ne prennent le contrôle.

  • Bon, qu’est-ce que tu lui veux à Némésis ?
  • J’ai besoin d’elle, grâce à elle, j’ai franchi des étapes décisives, j’ai commencé à me recycler, mais je crains de me fourvoyer.
  • Des étapes décisives de ton existence ?
  • Tu ne peux pas comprendre si je ne te raconte pas mon histoire.
  •  

Tous deux étaient assis dans la pénombre, côte à côte sur des chaises hautes face au bar, comme s’ils attendaient qu’un garçon vienne prendre la commande.

  • Ma première vie présente un intérêt réduit, même si elle couvre aujourd’hui les quatre cinquièmes de mon existence. Seule la fin mérite une réelle attention, car elle amorce le début de la deuxième. Le relais entre les deux se révéla laborieux, mais instructif, de ce fait, la seconde a tardé à s’affirmer et tout n’est pas bouclé.
  • J’avais compris, continue.
  • Je commence ma décadence avec l’école de commerce. Brillant élève lancé dans une brillante carrière entourée de brillantes fréquentations, une telle rutilance devait me rendre fier. J’étais cadre dans une grosse entreprise, je vendais toutes sortes de produits financiers, tous plus sophistiqués les uns que les autres. La plupart des clients ne saisissaient pas grand-chose à leurs mécanismes ou simulaient pour ne pas avoir l’air trop cloches. Moi, doué et performant, mais pas captivé, je me suis vite ennuyé. Sans doute n’était-ce pas à la hauteur de mes aspirations, mais le salaire que je touchais, venait compenser ce manque d’intérêt. Ma rencontre avec Laura a accentué cette ternissure qui commençait à s’installer. Ma seule passion en cette fin de première existence, c’est Laura, la personne essentielle que j’aurais aimée retrouver dans la suivante. Mais voilà… c’était une future pointure comme on dit.
  • Future pointure ?
  • Elle ne naviguait pas dans la sphère de l’argent, mais de l’esprit, une juriste de talent, rompue intellectuellement et promise à une carrière hors norme. Et puis, cette foutue agression, sans elle je n’aurai sans doute pas changé de vie. En novembre 2012, nous participions avec Laura à une manifestation en réponse à un rassemblement de “la manif pour tous”, contre le mariage homosexuel. Les services d’ordre et les forces policières semblaient débordés par des violences de professionnels, bien organisées, chargées de provoquer et casser ceux d’en face. Lorsque je fus témoin du tabassage d’une Femen pourchassée par un groupe d’hommes cagoulés, j’ai commis l’imprudence de m’interposer, celui qui commandait a retourné la meute contre moi. Ce fut ma percussion avec Rivesaltes, je ne le connaissais pas et je ne l’ai retrouvé que bien plus tard, après avoir touché le fond. Cet épisode a marqué la fin d’un cycle qui a mis plusieurs années pour agoniser.
  • Pierre Rivesaltes ?
  • C’est cela, tu l’as fréquenté ?
  • Si peu, mais tu sais aujourd’hui, il est fini.
  • Oui, je sais, il ne nuira plus, c’est grâce à Némésis, elle lui a arraché la langue.
  •  
  • Après mon agression, la peur a prospéré. Ce fut une paralysie totale dans mes activités et mes relations, je me suis tenu à l’écart du monde, j’ai rompu avec Laura, avec ma famille, invalide dans mon corps et dans ma tête, j’ai haï l’univers. Seule ma belle-sœur Marion est restée accrochée au débris que je montrais pour me sortir de là. Mon errance a perduré, sans but, tout au long de cette triste période. C’est le contact fortuit avec mon persécuteur qui a lancé les débuts de mon recyclage.
  • Ta reconversion ?
  • Je ne me suis jamais converti ! J’ai changé les contours et le sens de mon existence.
  • Évidemment. Ça explique le recycleur !
  • Bien sûr, recycler c’est engager un nouveau cycle, c’est prendre ou fournir une nouvelle chance, c’est recommencer. Je trie, j’élimine le néfaste et le superflu et je donne une autre vie aux choses qui le méritent.
  • Mais, comment choisis-tu ?
  • C’est simple, ça dépend de l’objet, de son utilité, de son esprit, s’il est contrariant ou pas.
  • C’est quoi un objet contrariant ?
  • C’est un objet qui se croit indispensable et qui ne l’est pas, je déteste le pédantisme.
  • Mais, les objets ne possèdent pas d’âme !
  • Ça ne les empêche pas de nous résister.
  • Sans doute.
  • Rassure-toi, j’ai d’autres activités, je vends aussi sur les marchés, je vends mes services et mes produits, des produits pour nettoyer, je les prépare, c’est facile, économique, efficace et ça ne détruit rien sauf la saleté.
  • Tu es écologiste ?
  • Non, respectueux de la nature.
  • Mais ces produits, si tout le monde peut les fabriquer sans difficulté, pourquoi les vends-tu ? Chacun pourrait les composer.
  • Oui, tu as raison, quand je les vends, j’explique la recette et je conseille de la réaliser soi-même.
  • Mais ce n’est pas ton intérêt.
  • Si, de la sorte, mon client va lui aussi devenir plus respectueux de la nature.
  • Oui, c’est malin, ça marche bien ?
  • Pas vraiment, ça dépend des clients, mais, j’aime bien, c’est plaisant, c’est plus utile que de vendre des produits financiers qui ne servent qu’à s’enrichir un peu plus. En fait, ça marche mieux avec les vieux, tu sais, ceux qu’on trouve sur les marchés, impossible de saisir s’ils promènent leur misère, leur solitude, ou les malheurs de leur vie. N’empêche, ils sont souvent les premiers à discuter. Tu comprends, ça j’adore, c’est une joie de mon nouveau métier.
  • Mais, ça ne rapporte rien.
  • Si, du bonheur.
  • Tu dois bien rencontrer des casse-pieds.
  • Oui bien sûr, mais c’est comme pour les objets, faut trier, choisir, tu élimines le parasite, tu gardes le reste et tu vois comment ça peut bouger.
  • Mais, comment décides-tu  ?
  • Je renifle, si je flaire un loup j’évite, sinon, je m’accroche. Le désespoir et la paralysie plusieurs mois sur un lit d’hôpital donnent du temps pour observer, pour laisser se développer des perceptions hors du commun si on sait les capter. Dans mon entre-deux vies, j’ai beaucoup appris sur moi.
  • Ah !
  • Oui, le sens de mon recyclage ne s’est pas imposé comme ça, tout seul, venant de nulle part. Avant, je brillais, dans le moule par éducation, par habitude et par facilité, mes parents, mon environnement, mon confort. Tout m’y incitait activement ou passivement. Pourtant, déjà à cette époque, j’ai souvenir d’une gêne décelable. Le bruit, l’agitation, certaines idées et certains comportements d’humains me mettaient mal à l’aise, mais voilà sans doute le prix à payer, comme tout le monde.
  • Ça t’est devenu insupportable ?
  • Oui, cet accident de parcours a provoqué une cascade de conséquences qui ont tout bouleversé. La halte et l’isolement forcés poussent vers une crise de lucidité, développent une perception exacerbée différente de la vie normale, comme certains aveugles avec l’ouïe et l’odorat.
  • Aïe, ce sont les coups sur la tête qui t’ont doté de telles aptitudes ?
  • Romain ne prit pas la peine de répondre au sarcasme
  • Durant cet entre-deux, j’ai formalisé les contours et le contenu de cette gêne. Une sorte de flair, comme un don, une capacité à détecter le louche, l’embrouille, dans mon Ancien Monde je disposais de la matière, je possédais l’entrainement, mais pas la conscience. Aujourd’hui, je sais, c’est devenu une seconde nature, une méfiance, un scepticisme un genre de paranoïa qui se lève selon les situations, les circonstances et les personnes. Mais j’ai peur encore de me fourvoyer ou de dévoyer mes choix, même si mon chemin s’est illuminé.

J’ai eu deux révélations

  • Tu as eu une révélation ?
  • Deux révélations. Quelques mois en arrière, j’ai croisé dans la rue sur un char à voile un homme accompagné d’un oiseau acariâtre. Nous avons squatté sous un pont plusieurs nuits avant de nous faire chasser par les forces de l’ordre. Il avait eu le temps de me raconter son aventure, les raisons de sa présence. Il m’a dit qu’il te cherchait, car tu constituais l’unique lien pour retrouver Némésis, la seule capable de prendre son problème au sérieux et l’aider efficacement. Puis il a disparu et j’ai suivi l’incroyable histoire de Boudumonde, baie des Entorchés. Je n’étais pas encore sorti de mon marasme, mais cet échange et les paroles de Mathilde ont renforcé mon espoir et ma volonté, ainsi que mes doutes.
  • Tes doutes ?
  • Oui Nina, mes doutes, avant de te rencontrer.
  • Avant de me rencontrer ?
  • Oui avant, maintenant, je n’en ai plus. Tu es Némésis.
  • Mais comment peux-tu imaginer une telle invraisemblance ?
  • Tranquillise-toi, je ne tiens cette conviction ni de Mathilde, ni de Diogène, simplement aujourd’hui, je t’ai rencontrée et j’en suis assuré. Ainsi mes certitudes à ton sujet. Cette déesse peut sembler cruelle, intransigeante, mais elle est restée intègre, désintéressée et fidèle à son éthique de justice et je sais que c’est toi. Je suis aussi persuadé que Mathilde, Diogène ainsi que d’autres que je ne connais pas n’en pensent pas moins. C’est une affaire de nez.

Nina sourit d’une telle assurance, pareil déterminisme interdit de s’entêter, on verra plus tard.

  • Et la seconde révélation ?
  • Comme Diogène, une rencontre nocturne sous le même pont, mais Gaspard est un clochard avéré, une histoire consternante destructrice et insupportable pour moi, un drame passionnel. Il n’en pouvait plus de son existence. Il a voulu recycler sa vie, surtout conjugale, il n’en pouvait plus, il est parti avec une autre, il a échoué, il s’est ramassé, il s’est échoué, il n’a plus rien.
  • Elle avait une trop forte personnalité pour moi. Sous une tolérance trompeuse, une vraie intransigeance à broyer tout ce qui n’allait pas dans son sens. Elle m’a régulièrement reproché mon manque de courage à prendre des décisions et affronter la réalité. Tout ceci a marché un temps.
  • Combien ?
  • Sept ans, puis, j’ai explosé en mille morceaux, en vrac dans les airs. J’ai choisi la liberté, l’aventure, je suis parti avec une autre et je me suis cassé la gueule.
  • Tu n’as pas essayé de revenir, de t’expliquer ?
  • Si, mais comme toujours, de façon très maladroite. J’ai perdu les pédales que je n’avais jamais eues. Je suis retourné à mon infériorité, mon incohérence et ma lâcheté. J’ai bien compris cette fois-ci que j’allais payer le prix fort pour laver l’affront, même les Fourches Caudines n’y suffisaient plus. Au début, je voyais des ouvertures dans le mur, en réalité ce n’étaient que des leurres sur lesquelles je me suis fracassé. Intimidé, dévalorisé, dans le doute, j’ai accumulé les bévues, jusqu’à me convaincre moi-même de ma nullité, ça ne pardonne pas. Dès le départ, je n’ai jamais été à la hauteur, le mauvais canasson.
  • Son histoire m’a remué, je ne supportais pas la comparaison, la honte m’a pris, ça ne tenait pas. Laura a une forte personnalité, mais elle ne s’est jamais comportée avec intransigeance, ni tolérance simulée ni fierté déplacée, cependant moi aussi j’ai fui comme un mal propre. Gaspard et son récit m’ont obligé. Je me suis penché au-dessus du fond, celui qu’on n’a jamais le courage de contempler. Là, finis les prétextes, j’ai engagé une chute vertigineuse, une démarche cruelle et des conséquences douloureuses, c’est sans doute pour ça qu’on les évite.
  • Alors ?
  • J’ai vu les tourments de Gaspard, j’ai ressenti la souffrance de Laura, mes raisons se sont révélées égoïstes, je suis un misérable. Pour tenir mon nouveau cycle, je dois tordre le cou à certains mauvais coups du précédent. C’est une question de respect, je dois parler à Laura, je lui dois une vraie clarification même tardive. Je dois m’expliquer et solder ce qui est moche. Cette rupture est moche, je veux qu’elle soit moins moche.
  • Tu ne souhaites pas renouer ?
  • Si, mais ce n’est pas possible
  • Pourquoi ?
  • Parce que ce qui m’a poussé, c’est une désespérance égoïste fondée sur des raisons futiles. J’ai fait passer ma rancœur en première ligne, elle m’a incité à me venger de mon malheur en cognant et je l’ai suivie. Le même égoïsme porte à imaginer qu’il suffirait de s’excuser, de reconnaitre ses erreurs, pour gommer le mal. Non, je dois lui dire combien je regrette pour avancer. Laura ne doit pas croire que tout ceci est de sa faute, peut-être ne le pense-t-elle plus. Peut-être ne souffre-t-elle plus, peut-être ma démarche ne la concerne plus, tant mieux pour elle, tant pis pour moi. Il n’empêche, je dois lui dire et m’excuser.

Arrivée de Camille.

C’est alors que la voix de François Béranger résonna soudainement dans une enceinte sur le premier couplet du “Vieux”. Cette opportune transition du détecteur à l’entrée annonçait l’arrivée au Zarah d’un visiteur, ou plutôt d’une visiteuse. Une femme d’une soixantaine d’années, élégamment vêtue de jaune et gris, apparut dans la grande salle.

À sa vue, Nina se précipita au cou de l’inconnue.

  • Camile, ma Camille, dans mes bras, ta venue me ravit.

Camille ne se précipita pas dans les bras de Nina, bien au contraire, elle s’en éloigna, ce qui ne gâchait rien à son plaisir de retrouver son amie. Ce code, établi entre elles deux, traduisait leur caractère, l’une démonstrative et agitée, l’autre réservée et posée.

  • Et moi aussi, ton retour m’enchante. Tu as fait bon voyage ?
  • Oui, un rapide séjour aux Entorchés pour saluer Diogène et Zeppelin, les deux êtres remarquables que tu m’avais envoyés et qui vont devenir légendaires.
  • Comme beaucoup, j’ai suivi l’info, tu as fichu un gentil bazar à Boudumonde.
  • Je n’y suis pour rien, c’est Zeppelin le goéland et sa bande de Laridés qui ont ramené tout le monde à la raison. Je te raconterai plus tard dans le détail. Je te présente Romain le recycleur, c’est un admirateur de Némésis, il s’engage dans une autre vie et il cherche conseil auprès d’elle.
  • Je vois, bienvenue au club fan de la déesse.

Camille s’avançait vers lui, avant de stopper net.

  • Je vous connais de quelque part.
  • Pourtant, je viens de nulle part et je débute dans ce nouveau départ.
  • Oui ? Moi aussi, racontez-moi.

Romain, la mine interrogative se tourna vers Nina dont la mimique lui signifiait son amusement. Elle se retourna pour aller derrière le bar et sortir des verres.

Le recycleur narra derechef son passé, depuis l’agression jusqu’au déclic provoqué par la photo de son tortionnaire aux portes de la folie. Camille reprit.

  • J’ai connu de nombreuses histoires similaires, des histoires de grands brulés de la vie qui découvrent dans le malheur de leur bourreau, une nouvelle raison d’être. La seule vraie limite est de veiller à ne pas devenir à son tour bourreau. Notre monde regorge de tels exemples à échelle planétaire et nous restons incapables de les condamner réellement.

Puis, sans attendre de commentaires.

  • Et votre recyclage, ça convient ?
  • Je ne me plains pas, je vis de mes petits labeurs. Même si c’est un peu juste, même si c’est un peu dur, j’en suis fier, je ne veux pas revenir en arrière, je ne regrette surtout rien, sauf Laura.
  • Laura ?
  • Laura mon ex-compagne a elle aussi changé de vie après mon agression, et moi je n’ai pas compris, je l’ai quittée, j’ai cru à une trahison. Je sais qu’elle est restée sur la touche de nombreux mois, moi je l’ai laissée tomber. Je souhaite la revoir, au moins pour m’expliquer, lui dire que je suis un autre, mais en l’état, je n’ai rien pour la convaincre. J’ai peur qu’elle ne pense que je me suis lamentablement clochardisé, incapable de dépasser les troubles de mon histoire. Toutes mes apparences ne peuvent que la conforter dans cette opinion. Elle ne m’écoutera pas par défaut de crédibilité.
  • Tu as honte ?
  • De l’avoir fait souffrir et mis tant de temps pour m’en apercevoir. Je bute, en l’abordant ainsi, j’ai l’impression que je lui manquerais de respect.
  • Tu cherches de l’aide ?
  • Non, je viens me confier pour trouver une issue à ce dilemme. Nina alias Némésis et Marion m’ont permis de sortir des boucles de la folie.
  • Si j’ai bien compris, tu voudrais tracer un chemin qui te paraitrait plus digne que l’actuel aux yeux de Laura. Tu penses que pour t’adresser à elle, tu ne peux pas te présenter aujourd’hui sans fard. Elle est devenue un personnage important et tu présumes qu’elle va estimer que ta nouvelle vie manque de prétention, tu hésites à remettre en cause des choix qui te conviennent, mais interdisent de renouer avec elle. C’est ça ton dilemme ?
  • J’aurais pas mieux dit.
  • Tu crois que c’est le critère sur lequel elle va te considérer, te juger ? Qu’est-ce qui va la toucher ? Va-t-elle apprécier la profondeur de ton être, de ta sincérité à l’aune de ton ambition, et quelle ambition ? Ça, c’est ton non-sens.
  • Comment sais-tu qu’elle est devenue un important personnage ? C’est compliqué la fin de ton histoire !

Donne aussi une chance aux humains.

Derrière le bar, Nina s’appliquait à suivre silencieusement la conversation. Un exercice difficile pour elle, elle posa un regard en direction de Camille et coupa l’échange.

  • Non, c’est toi qui t’égares. Tu as déjà tracé une voie qui te permet de recycler, fais encore mieux, suffit de s’y atteler. Le chemin que tu as pris relève de la volonté de donner un sens à ton existence, sens que tu n’avais pas trouvé jusque-là, courageuse et louable initiative. C’est par là que tu dois creuser. Tu dois élargir ton champ d’intervention. Aujourd’hui, tu élimines l’inutile et le parasite pour procurer une nouvelle vie aux objets qui te semblent le valoir. Agis de même pour les humains, beaucoup le mérite, je te propose une association.
  • Une association ?
  • L’épisode Némésis et le succès de la campagne “le bon coin des vengeances” m’ont persuadée d’en prolonger l’esprit, sous une forme différente, en parfaite légalité et moralité.
  • C’est comme ça que tu as fait la connaissance de ma grand-mère ?
  • Oui, elle voulait corriger un abus, elle a sollicité l’aide de Némésis.
  • Et ?
  • Je lui ai expliqué la réalité du “bon coin des vengeances”, nous avons bien ri et Mathilde est repartie avec une autre solution pour essayer de rétablir l’équité.
  • Et là, c’est quoi ton truc ?
  • Je lance une opération “clairvoyance”. Je m’attaque aux duperies médiatiques, politiques autant que publicitaires, celles qui visent avant tout des “gens simples”, ceux d’en bas. Il faut que cesse cette lâcheté de chercher à abuser ces cibles plus faciles.

L’appât d’un profit constitue le principal moteur du menteur, mais également de la victime. Ainsi, “les promesses n’engagent que ceux qui les croient.”

L’aveuglement repose sur l’attrait du leurre, si l’attrait disparait, l’aveuglement aussi, la tromperie est désarmée.

  • Je ne comprends pas vraiment ou tu veux m’emmener, heureusement, je n’ai détecté aucun loup.
  • Revenons au début :

Faire prendre des vessies pour des lanternes, c’est donner l’illusion que le futile est fondamental. L’accessoire, vanté comme essentiel, devient alors une source de gains inestimables.

  • Mais qu’est-ce que ta proposition d’association vient faire là-dedans ?
  • Je suis en train de constituer une équipe de magiciens pour déceler ces mensonges et les démystifier.
  • Mais, il te faut un lanceur d’alerte !
  • Je vois que tu commences à comprendre. Le poste est pourvu, c’est un ancien collaborateur de Némésis, une sorte d’Euménides, un vétéran qui a déjà plusieurs campagnes à son actif.
  • Il était dans le coup pour Rivesaltes ?
  • Tout juste.
  • C’est lui qui a publié les activités de ce pourri et les protections dont il a bénéficié ?
  • Oui, le fameux article “Le mercenaire et sa glossectomie, crimes et châtiment”.
  • Je me souviens le bien que ça m’a apporté, le foin dans l’opinion que ça a provoqué, le déchaînement sur les réseaux sociaux !  
  • Comme tu dis. Mais plus près de toi, c’est lui qui a rapporté la légende de la baie des Entorchés et les exploits de Diogène et Zeppelin.
  • Tu disposes d’autres magiciens comme lui dans ce groupe ?
  • Oui, peut-être toi.
  • Ah ! Mais je n’ai toujours pas compris ma présence dans le tableau ?
  • Je t’ai dit que j’avais besoin d’experts pour détecter les tromperies, les déjouer et les dénoncer. Une belle équipe, pour restaurer espoirs et bonheurs à ceux qui les ont perdus, une équipe totalement tournée vers les réprouvés. Ainsi, tu prendrais de l’envergure, comme l’ont réalisé Diogène et Zeppelin.
  • Mais, je n’ai pas de talents, comme eux ou comme Némésis !
  • Laisse Némésis ou elle est. Tu sais réfléchir, je crois, tu as développé un sixième sens très précieux. Intègre-le comme tel dans ta deuxième vie, tu transformes ta perception aiguë en don et tu partages avec qui le mérite, là tu auras achevé les contours de ton recyclage, une image plutôt positive à faire valoir.
  • Je n’identifie pas le juste du faux, je détecte seulement la sincérité des déclarations et des aspirations qui les motivent. Celles-ci peuvent se révéler absurdes, complexes ou incompréhensibles, peu importe.
  • J’ai bien saisi que ton nez porte sur la bonne ou la mauvaise foi au travers des mots, sans vraiment pouvoir en déterminer l’exactitude ou l’erreur.
  • C’est là, mais je ne reconnais pas forcément ce que c’est. Si un type dit que son chien est mort, je sens simplement si son propos traine des arrière-pensées néfastes ou pas, sans pouvoir percevoir s’il a indiqué ça pour attendrir ou s’il a tué son animal.
  • Ça c’est mon affaire, on ne te demande pas de fournir la preuve de tes conclusions, on te demande uniquement de partager, nous faire profiter de ton flair, en ton âme et conscience. Ensuite, d’autres se chargeront de creuser et déterrer si le jeu en vaut la chandelle. Pas de quoi te traumatiser, sauf si tu t’égares sur des chemins louches. Mais là, ton nez te détectera vite et tu te devras de te justifier à ta conscience.
  • C’est la crainte de me fourvoyer.
  • Crois-moi, tu peux compter sur moi pour t’apporter le soutien et l’assurance que tu cherches dans ta démarche. En contrepartie, tu as tout de même l’obligation de te tenir dans l’ombre, pour une question de sécurité évidente. Je doute que cet impératif te contrarie beaucoup.
  • Tu as raison, vu sous cet angle ça peut me convenir.
  • Tu mets ton don au service d’une devise, “quitter le vénal pour le probe”. Ton nez de la sincérité te permet d’arrêter les bons choix.
  • C’est attrayant.
  • Réfléchit, dans ce second cycle, ton affaire s’agrandit et prospère, te voilà devenu détecteur de mensonges et recycleur de vie, tu gardes ce qui le mérite, nous on s’occupe du reste.

Laurence Dumont

C’est alors que Béranger donna de nouveau de la voix pour nous annoncer qu’il était né “dans un p’ti village qu’a un nom pas du tout commun”… À peine l’information révélée, la tenture à l’entrée de la salle principale, dérangée par un intempestif courant d’air, trahit une présence dans le couloir.

Une poignée de secondes plus tard pointait le visage d’une jeune inconnue en proie à une profonde panique. Son regard apeuré croisa celui de Camille et lui signifiait qu’elle avait dangereusement franchi les limites de ses capacités naturelles pour parvenir jusqu’à elle.

Belle arrivée sur scène.

Camille fronça imperceptiblement les sourcils, signe ostentatoire de bienvenue, que seuls ses intimes savaient reconnaitre. La jeune inconnue restait là, immobile, figée. Camille posa sa main sur l’épaule de Nina pour éviter que cette dernière ne se précipite comme une girafe dans un trou de souris.

  • Entrez mademoiselle Dumont, ne vous laissez pas intimider par le décor, comment va monsieur Djilal ?

La jeune fille s’affaissa en sanglots, tandis que Nina et le recycleur échangeaient un regard d’incompréhension totale.

De nombreuses minutes plus tard, le quatuor était attablé autour de quatre bols, emplis de cidre pour certains, de chocolat pour d’autres. Tout le monde se sentait moins étranger après les présentations de Camille.

  • Laurence Dumont, l’amie de cœur de monsieur Djilal. Nous nous sommes rencontrés il y a plusieurs mois, alors qu’on le soupçonnait d’avoir provoqué un état de lycanthropie chez l’un de ses professeurs, en l’occurrence, Maurice Legal.

Nina malicieusement se tourna du côté de Camille.

  • Celui-là, c’est l’homme à l’envers, celui que Némésis a transformé en loup-garou.

Camille répondit avec une pointe d’agacement.

  • Oui Nina, tu le sais aussi bien que moi.

“Le nez de sincérité” s’agita, signifiant qu’il avait perçu des intonations louches.

De nouvelles nombreuses minutes plus tard, Camille résumait la situation.

  • Mademoiselle Dumont n’a plus de nouvelle de Kamel Djilal depuis deux jours. Elle s’est présentée à l’hôtel de police et après un parcours digne d’un combattant, a rencontré Jules, mon lieutenant favori, qui a travaillé avec moi sur l’affaire Legal.

Le recycleur fronça des sourcils, Camille ignora.

  • Jules Laforme lui a indiqué qu’il devait attendre plusieurs jours avant de pouvoir enregistrer sa déclaration et engager une procédure de recherche. Avec sa bienveillance légendaire, il lui a toutefois donné l’adresse du Zarah, comme une éventuelle piste pour me joindre. Que pouvez-vous préciser pour compléter ?

Laurence approuva, les mains collées autour de son bol de chocolat fumant.

  • Les dernières nouvelles que j’ai reçues datent de deux jours, il débarquait à Marseille de retour d’Alger ou il avait enterré son père décédé.
  • Kamel est coutumier de ce type d’absence ?
  • Pas vraiment, parfois il s’emporte et disparait plusieurs heures pour se calmer après une sérieuse contrariété, mais jamais deux jours.

Camille se souvenait du jeune homme qui s’était laissé inculper d’une agression contre un de ses professeurs pour protéger Laurence Dumont et leur relation. 

  • Où en êtes-vous avec vos parents ?
  • En rupture totale. Leurs réactions odieuses, tout comme celles des étudiants, nous ont convaincues. Notre décision a suivi, nous avons tout largué, sa famille nous a hébergés le temps de trouver un emploi et un logement.
  • Vous vous êtes recyclés ? Vous avez engagé une autre vie ?

À la surprise de tous, Romain venait d’intervenir. Laurence porta son regard vers lui, pour la première fois détendue avec un timide sourire sur les lèvres.

  • Cette formule inattendue est fort juste. Nous occupons un meublé dans un vieil immeuble sous les toits, place Croix-Luizet. Kamel a décroché un emploi de manutentionnaire dans un supermarché de Villeurbanne. Nous vivons chichement, mais pleinement dans le bonheur et les projets.
  • Nina contre toute attente s’interposa.
  • Tu ne veux vraiment pas partager ton flair Romain ?

Celui-ci, désemparé, se tourna vers Camille qui le fixa sans ciller.

  • Ça va choquer, mais tout ne va pas bien chez Laurence.

Une grande stupeur suspendit le temps et le silence dans une atmosphère alourdie de doutes. Quelques crises de larmes et d’aveux plus tard, tout le monde connaissait le scénario et Romain se trouvait soulagé d’un encombrant fardeau.

Le jeune couple pour la première fois s’était quitté fâché à l’issue de leur discussion avant le départ de Kamel pour Alger. Ce décès avait éveillé en lui de vieux démons, les mêmes que ceux qui l’avaient empêché de courber l’échine en classe préparatoire, les démons du combat militant, du combat engagé pour une cause.

Il avait maladroitement tenté de dire à Laurence qu’il ne se satisfaisait pas de leur vie actuelle, qu’il lui manquait quelque chose. Celle-ci, paniquée, avait mal réagi. Elle s’était exposée, avait rompu avec son milieu, abandonné sécurité et confort pour le suivre et voilà qu’il voulait quitter le navire. Tout avait explosé. Depuis, plus rien.

C’est ainsi qu’elle avait cherché refuge et réconfort auprès de ce policier qui avait su les entendre et les défendre après la crise de lycanthropie de Legal. Maintenant, elle devait retrouver Djilal.

Nina déclina l’offre et déconseilla à Romain de s’en mêler. Tôt ou tard, Kamel se manifesterait. Elle invita Laurence à partager un verre de l’amitié pour l’aider à surmonter l’épreuve.

  • Mais, Laura dans tout cela ?
  • Laisse aller, les choses arrivent à point pour qui sait patienter. Aujourd’hui, c’est ton nez qu’on fête, on ne va pas toutes exposer notre vie pour te convaincre. Je fréquente quelqu’un juste en face de toi, quelqu’un qui ne te racontera pas son existence, mais qui connait Laura.

Les regards se tournèrent en direction de Camille.

  • Quels sont les marchés où tu travailles ?
  • Principalement celui des Gratte-Ciel.
  • Sur ce marché, on retrouve les vieux dont tu parlais tout à l’heure ?
  • Mes favoris.
  • Ça tombe bien.

Arrivée sur le marché.

Le commissaire de police de Villeurbanne avait contacté Laura, il cherchait à joindre Camille, une vieille copine de promo. Il ne semblait pas au courant de son départ. En fait, nouvellement affecté à ce poste, il avait indiqué à Laura qu’il se confrontait à un problème et qu’il avait besoin de son avis.

Depuis quelques semaines, plusieurs commerçants sur le quartier central de Villeurbanne s’étaient plaints de vols à l’étalage, tout particulièrement sur le marché des Gratte-Ciel. Il redoutait que ce phénomène se développe dans un secteur sensible ou différentes communautés se côtoyaient paisiblement. La rumeur courrait parmi les plus virulents, de la création d’une milice. Avant de faire intervenir la force publique, le commissaire souhaitait l’avis de Camille pour sa parfaite connaissance des lieux et des habitants.

L’affection de Camille pour ce lieu atypique, théâtre populaire, où se mélangeaient toutes sortes de personnages disparates, constituait une fabuleuse anomalie à son caractère réservé.

 Ici, des marchands forains s’agitaient derrière un étal de primeurs ou de vêtements. Là, d’ambulants bonimenteurs assuraient les louanges de leurs ramasse-miettes ou de leurs grigris. Plus loin, des producteurs exposaient leurs propres rangs d’oignons jaunes et de carottes biscornues sur des caisses à pommes. Parfois, un charcutier vantait son boudin ou ses tripes du haut de sa camionnette. Dans ce spectacle, fouillis de bruits, de couleurs et d’odeurs, Camille se plaisait à imaginer une tour de Babel peuplée de la Cour des Miracles.

Laura avait transmis l’information à son ancienne cheffe. Ainsi les deux femmes avaient décidé de se rendre sur place pour humer l’ambiance et creuser le phénomène.

La ligue des Pourfendeurs de mirages.

La rencontre entre Camille et Laura datait de plusieurs mois. Elle reposait sur des caractéristiques administratives complémentaires et favorables à l’installation d’une profonde complicité.

Camille accueillit Laura en remplacement d’Antoine, son adjoint, qui déployait l’essentiel de son énergie à œuvrer pour prendre son poste. Son ultime tentative s’était soldée par un cuisant échec et l’avait poussé vers une mutation volontaire pour s’éviter une sortie plus humiliante.

Laura achevait une disponibilité de plusieurs mois, fruit d’une incompatibilité chronique avec son supérieur de l’époque. La mise à pied du chef susnommé par l’IGPN, consécutive à plusieurs plaintes pour harcèlement, s’imputait opportunément à décharge de cette discordance. Dès les premiers jours, une connivence redoutable s’établit entre elles.

Extérieurement, seule la noirceur de leur regard rapprochait les deux femmes. Camille, fraichement retraitée, rendait une vingtaine d’années à sa cadette qui en contrepartie la dépassait d’une quinzaine de centimètres et flirtait avec le mètre quatre-vingt. L’élégance et la finesse attachées au personnage de Camille tranchaient aux côtés de Laura, fervente adepte du jean, bottes et blouson de cuir.

Sur la route du marché, Laura s’inquiéta auprès de Camille.

  • Avant d’arriver à te joindre, j’ai longuement échangé avec Nina. C’est sérieux ce projet d’association ?
  • Elle t’en a parlé ?
  • Oui, elle veut monter “la ligue des pourfendeurs de mirages”une équipe spécialisée dans la détection des tromperies, capable de les déjouer et les dénoncer.
  • Après l’épisode Némésis, et les conclusions qu’elle en a tirées, elle cherche à prolonger son esprit sous une autre forme.
  • Elle m’a expliqué qu’elle projetait d’engager une campagne de “clairvoyance”, dans la plus parfaite légalité, n’a-t-elle cessé de me clamer.
  • Elle s’inspire du “bon coin des vengeances”, une opération à succès, lancée par Némésis. Elle mise sur le phénomène boule de neige pour accentuer une prise de conscience et une rébellion des “braves gens”. Ce qui importe, à travers ces dénonciations, c’est de raccrocher chacun à des valeurs actuellement galvaudées ou méprisées par les vendeurs de mirages, mirage de la réussite, de la richesse, de la consommation, mirage même du bonheur.
  • Elle m’a avoué que, dans un souci d’efficacité, elle limiterait ses attaques aux médias, aux politiques. Elle ne doute de rien dans sa modestie.
  • Nina part du principe que :

On dévoie les gens de l’essentiel vers l’accessoire en lui attachant un caractère indispensable. Ainsi, les leurres situés au cœur des tromperies reposent sur des futilités pour éblouir. Si leur attrait disparaît, la cécité aussi, l’illusion est désarmée, tout comme l’adventice.

Camille s’assura de la compréhension de Laura avant de poursuivre.

  • Pour Nina, on a perdu le centre réel de la vie, le superflu est devenu primordial et nous a éloignés du fondamental.
  • Elle m’a parlé de réhabilitation de valeurs telles que la solidarité, l’intégrité ou l’attention et le respect portés aux autres, vastes chantiers et bon courage.
  • Oui, pour elle, c’est aussi continuer de militer pour un monde différent de l’actuel. Son organisation se destine à éclairer sur l’inanité et l’essentiel de l’existence. Mais tu sais, ce n’est pas nouveau, j’ai connu Nina dans les années soixante-huit, depuis, elle a changé, mais pas sa ligne de pensée.
  • Elle est bien plus improbable que je ne l’imaginais, tellement utopique et fantasque, Cervantès et son Quichotte.
  • C’est Nina. Elle donne un sens profond à tout ça, même si je te l’accorde, ça ne va pas de soi. La difficulté, c’est que l’artiste, c’est elle. Le bon sens et la cohérence de son œuvre ne sautent pas aux yeux de tout le monde, encore moins de ceux qui ne sortent pas du cadre. Mais tout est bien arrimé et tient la route. Elle revendique l’esprit de Némésis et prend le relais des provocations passées de la déesse. Je l’ai mise en garde sans succès des risques et conséquences de l’opération. Elle dispose déjà d’experts dévoués à sa cause.
  • Elle m’en a rapidement parlé, sans entrer dans le détail, mais Camille, tout de même, “un nez de sincérité, un nez d’intégrité, un nez de scandales, un recycleur”. C’est loufoque, c’est un organigramme délirant.
  • Oui, c’est Nina et sa poétique. Je connais ces personnages, tous existent réellement, dernièrement l’un d’entre eux a donné son accord, je ne sais pas pour les autres, mais tous se reconnaitront parmi ces appellations. Nina ne prise pas l’orthodoxie ni l’académisme. Les formes apparaissent burlesques et le sens, sans démagogie, dérange.
  • Elle m’a presque persuadée du bienfondé de sa démarche et m’a précisé qu’elle possédait un atout majeur dans sa manche pour me convaincre.
  • Nina reste redoutable, elle garde secrètement des revers totalement imprévisibles. Elle dispose toujours d’un ou deux coups d’avance et bien souvent a tort d’avoir raison trop tôt, mais elle retombe sur ses pattes. Tu ne l’arrêteras pas, méfie-toi, elle déploie une terrible efficacité.
  • Je sais.
  •  
  • Oui, le divisionnaire envisage mollement de relancer quelques investigations dans les affaires qui n’ont pas trouvé de solution finale dans tes conclusions.
  • Logique, il fallait s’y attendre, cela dit, l’enthousiasme pour remuer à nouveau cette pagaille ne doit pas le submerger.
  • D’autant moins qu’il a compris que je n’allais pas développer un zèle d’enfer, il veut néanmoins me mettre sur ce coup. Mais avec Jules, on est clair et si je t’ai parlé de Nina, ce n’est pas pour rien.
  • Je m’en doute.
  • En fin de compte, tu as arrêté la meilleure décision dans tout ce merdier. Némésis, qui qu’elle puisse être, est devenue un mythe, si la police s’en était pris à elle dans ce climat insurrectionnel, on courrait à l’émeute.

À cet instant, elles arrivaient sur le marché Anatole France.

Ninette.

  • Je n’ai pas trouvé les propos de ton copain très convaincants pour justifier notre venue.

Camille éluda la question.

  • Qu’importe, c’est un lieu pittoresque.

Sur place, Camille connaissait bon nombre de forains qu’elle saluait au passage ou interrogeait discrètement sur les affaires. Laura avait travaillé plusieurs mois sous les ordres de Camille et restait toujours admirative de la façon dont sa fibre professionnelle prenait le pas sur sa nature asociale.

Au détour de leurs pérégrinations, elles s’arrêtèrent devant un mini-stand, quelque peu baroque. Une vieille femme s’installait dans un fauteuil de toile, face à une table de camping pliante recouverte du même tissu, elles avaient sans doute mené de nombreuses campagnes ensemble. Sur le plateau, plusieurs plats ronds de différents diamètres exposaient de fantastiques tartes aux pommes, coupées en quatre portions.

Camille aussitôt s’enquit de ses pâtisseries.

  • Ce ne sont pas des tartes, mais des pompes aux pommes, c’est une spécialité de chez moi, faite avec des pommes de chez moi, et une ancestrale recette de chez moi.
  • C’est où chez vous ?
  • À Nohanent dans la vallée du Bédat, c’est en Auvergne.
  • Mais, c’est loin, vous venez d’aussi loin pour vendre sur ce marché ?
  • Mais non, je ne viens pas d’aussi loin et je ne viens pas non plus pour vendre, plutôt pour exposer et pour discuter. J’ai quitté ce village, où j’ai toujours vécu, au décès de mon mari.
  • Ah !
  • Comme beaucoup à cette époque il travaillait chez BIB et dans les champs.
  • BIB ?
  • Oui Michelin, mon homme était ouvrier à la cuisson des pneus, il entretenait aussi un verger et des vignes, on produisait des fruits, principalement des Golden. À sa mort, je me suis installée ici, à côté de mon fils qui habitait le quartier.
  • Habitait ?
  • Lui aussi est décédé et je reste seule, mais j’ai gardé des amis de là-bas qui viennent régulièrement me parler du pays et m’apporter des pommes.

Aux détours de la discussion, Camille et Laura apprirent qu’Antoinette Goutefangeas, surnommée Ninette, était née en 1930 et filait ainsi allégrement sur ses 91 ans.

  • Dites les petites, vous causez, vous causez, vous ne voulez pas gouter ma pompe ?
  • Volontiers, nous ne résisterons pas à une telle gourmandise.

Ninette sortit du plat au plus fort diamètre deux portions, soit la moitié du tout.

  • C’est une part ?
  • Oui, ça vaut un euro, mais je vous l’offre, ça fait plaisir de causer avec vous.
  • Ninette éprouvait de la fierté pour ses pompes confectionnées depuis deux générations. Elles étaient restées quelque part accrochées dans le temps, leur prix aussi.
  • Et la recette ?
  • Oh, très traditionnelle, avec une pointe de personnel.
  • Laquelle ?
  • De l’Angélique confite, on en cultivait beaucoup autrefois dans la vallée du Bédat. Aujourd’hui, plus rien de tout ça, ni Angélique, ni pomme.
  • Vous exposez comme ça sur le marché depuis de nombreuses années ?
  • Une bonne trentaine, mon mari est mort l’année de sa retraite, nous étions conscrits. Ce marché, je l’ai vu évoluer avec le temps.
  • C’était mieux avant ?
  • Non, ce n’était pas mieux, on vivait juste plus heureux, mais bien sûr ceux qui ne l’ont pas connu ne peuvent simplement ni le dire ni le comprendre. De plus, leurs bonheurs aujourd’hui ont changé des nôtres, de même que l’indispensable.
  • Chacun tient midi devant sa porte.

Ninette s’interrompit quelques instants pour découper une pompe avec doigté.

  • Les relations pareillement ont évolué, je ne sais pas si c’est mieux, ce que je sais, c’est où vont mes préférences. Moi, quand j’échange avec mon voisin ce n’est pas en même temps avec d’autres, ailleurs, sur le clavier de mon téléphone. Je m’applique pour être précise, juste et attentionnée, je réponds, j’essaye de finir mon propos avant d’en lancer d’autres.
  • Quand je me déplace dans la rue, je vois les gens, j’évite de les frôler ou les bousculer, il m’arrive même de leur sourire ou leur dire bonjour. Si je crée un lien, ce n’est pas pour le cliquer. Je ne dispose pas de réseaux ni de suiveurs, j’ai quelques connaissances et deux ou trois amis et ça me suffit pour vivre heureuse.
  • Je possède aussi une proche qui partage votre regard, un fort caractère.
  • Je ne suis pas une illuminée ou une aigrie, je côtoie beaucoup de gens comme moi, progressivement ils sont devenus négligeables, transparents, car hors du temps présent. Mais, ma génération n’a pas le monopole des décalages, j’ai rencontré un jeune homme, sur un étal à côté qui pourrait vous tenir des propos identiques, peut-être pire. Je ne sais pas qui demeurent les plus adultes et les plus responsables, mais ils ne se recrutent plus pareillement.
  • Vous venez ici souvent avec vos pompes ?
  • Toutes les semaines.
  • Ce n’est pas trop pénible ?
  • Le plus fatigant, c’est de ne pas pouvoir laisser son stand sans surveillance, sans risque de vol.
  • Ça vous est déjà arrivé ?
  • Oui dernièrement on m’a dérobé ma boite à sous avec toute la recette de la journée.
  • Vous avez déposé plainte ?
  • Ça sert à rien, vous imaginez la police dans cette foule ? De plus, la somme ne valait pas le déplacement. Ce qui m’a bien attristée c’est la disparition de la photographie de mon fils, elle date de mon installation dans le quartier.
  • On vous l’a prise ?
  • Oui, enfin non, elle se trouvait dans la boite, on a dérobé la boite, ça m’a vraiment peinée, d’autant que pour le voleur, ça n’offrait aucun profit. Mais vous savez, l’important pour moi, c’est de me rendre sur ce marché, c’est une distraction indispensable, le plaisir de rencontrer du monde et d’échanger. Donc on s’est mis à plusieurs et on a réglé le problème.
  • Comment ça ?
  • On s’est regroupé pour guetter afin de comprendre, puis agir pour protéger la sécurité et la convivialité de ce lieu.
  • Ah ?
  • Oui, une association pour repérer d’où venait le mal et le corriger.
  • Et ?
  • Et voilà, on a vu et on a trouvé une solution, on m’a même restitué ma photo.

Confrontée aux mines inquiètes de Camille et Laura, Ninette saisit que quelques explications s’imposaient.

  • Rassurez-vous, les poulettes, rien de violent ni d’illégal. Avec les copains, on a découvert les voleurs, une petite troupe de gens bien, en perte de vitesse et d’espoir, type SDF, ou STO.
  • STO ?
  • Sans travail obligatoire. Des voleurs sans le sou, comme qui dirait des voleurs alimentaires. On n’allait pas en faire un fromage, on les a pris entre quatre yeux et on a trouvé une solution.
  • ?
  • En fin de marché, on regroupe les invendus qui vont se périmer et on les distribue plutôt que de les mettre à la poubelle. On n’a rien inventé, d’autres l’ont fait bien avant nous.

Laura était quelque peu rassurée, Camille sournoisement enfonça le clou.

  • Parmi ces marginaux, vous n’avez pas repéré un triporteur ?
  • Un triporteur !
  • Oui, vous connaissez ces vélos à trois roues.
  • Je te remercie gamine. Je sais ce que c’est un triporteur et oui j’en croise un régulièrement. Mais, il ne rôde pas, il tient son stand juste derrière, c’est un bon ami, celui que j’évoquais tout à l’heure. Il fait partie de la solution. C’est un garçon plein d’attention sur lequel on peut compter.

Elle sortit de derrière sa table, attrapa les deux femmes chacune par un bras et d’un pas mal assuré les entraina avec elle.

  • Venez, on va lui dire bonjour, je vais vous présenter.

Quelques instants plus tard, le triporteur pointait en bout d’allée.

  • Ah, bonjour Romain, ces deux dames souhaitent faire ta connaissance.

Laura marqua un imperceptible temps d’arrêt avant de s’adresser à lui, la mine réjouie.

  • Bonjour Romain, je suis ravie de te revoir. Madame Goutefangeas n’a cessé de nous dire tout le bien qu’elle pense de toi, Nina aussi d’ailleurs. Je viens de comprendre que tu intégrais l’équipe du Zarah. Je trouve que c’est plutôt une bonne idée cet engagement, mais c’est assez inattendu en comparaison de ton activité préalable.

Romain se mit à bredouiller quelques sons inaudibles que Ninette traduisit.

  • Il dit qu’il s’est recyclé, beaucoup de modifications aujourd’hui, mieux qu’avant. Il est troublé.
  • Ah Romain, raconte-moi.

C’est alors que Ninette et Camille, bras dessus bras dessous, s’éloignèrent en direction du stand laissé sans surveillance.

  • Ninette, je dois vous présenter Nina, elle est mon amie, elle vous plaira. Dans son équipe, elle a besoin d’une mascotte qui cuisinerait des pompes aux pommes sans pareil.
  • Si j’ai bien tout compris Romain vient d’être embauché et moi aussi ?
  • C’est cela même, vous êtes partis pour de nouvelles aventures !
  • Ah, quelle histoire !
  • La prochaine, c’est le nez de scandale qui l’a levée, une sombre affaire d’incinérateur. On peut faire confiance à Nina.

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Le nez de sincérité